Entre géo ingénierie et catastrophe climatique
L’homme sera-t-il assez fou pour envoyer des particules de fer ou de souffre dans la stratosphère afin de limiter le rayonnement solaire, ira-t-il jusqu’à modifier la composition des océans afin de suractiver l’action du phytoplancton ?

Le constat
Dans une interview[1] accordée à Actu Environnement en octobre 2018, Henri Waismann, l’un des coordinateurs du dernier rapport du GIEC, nous dit que, pour atteindre l’objectif de réchauffement de 1,5° d’ici la fin du siècle, il faudrait que les émissions de CO2 ne dépassent pas 30 Gigatonnes en 2030, ce qui est loin d’être le cas puisque les modèles actuels donnent 52 Gigatonnes, en prenant en compte les mesures envisagées à ce jour.
« La première conclusion est que cette trajectoire (1,5% à la fin du siècle) n’est pas atteignable, même avec des actions profondes après 2030 »[3]
Comment s’en étonner ? L’augmentation de la production de gaz à effet de serre est inéluctable parce qu’elle est la conséquence directe d’un modèle de société qu’il nous faudrait changer radicalement.
Passer de 52 Gigatonnes à 30 – Vous en reprendrez bien un petit peu ?
Soyons sérieux : non seulement nous sommes peu enclins à renoncer à notre mode de vie, mais, dans un monde où la population augmente rapidement, de plus en plus de pays en voie de développement accèdent à ce modèle. Peut-on le leur reprocher ? Un milliard d’individus aujourd’hui, mais combien demain ?

La Bulle
On va tous essayer – ou presque – mais il est difficile d’être optimiste : effort considérable à faire sur nos modes de vie, impact sous-évalué de l’augmentation de la consommation énergétique[2] due aux nouvelles technologies, objets connectés, 5G, 6G, accès de centaines de millions de personnes à un mode de vie occidental. Aux dires mêmes du GIEC, ce sera insuffisant.
Les techniques de géo ingénierie s’imposeront donc dans un futur proche, d’autant plus qu’elles constituent un formidable gisement de croissance indispensable au maintien de cette sacrée croissance dont nous avons tant besoin. Polluer la planète crée de l’activité et augmente le PIB. Quel curieux modèle tout de même.
Au vu des inquiétudes sur le Traité sur la Charte de l’Energie exprimées par 278 syndicats et organisations de la société civile dans une Lettre ouverte de décembre 2019, il n’y a pas de quoi être optimiste : https://sciencescitoyennes.org/?s=tce&x=66&y=18
Les techniques de géo ingénierie nous permettront de ne pas regarder la réalité en face, nous arriverons à reculer un peu le problème mais au prix d’une bulle qui finira par exploser.
[1] https://www.actu-environnement.com/ae/news/Giec-Il-est-possible-de-realiser-objectif-de-1-5-sans-recourir-a-des-technologies-controversees-32136.php4
[2] Voir en particulier l’étude de Green IT : https://www.greenit.fr/empreinte-environnementale-du-numerique-mondial/
[3] (Objectif de passage de 52 à 30 Gigatonnes de CO2) – Henri Waismann, interviewé par Actu environnement
La géo ingénierie
Le compte rendu[1] de la mission pour la science et la technologie de l’Ambassade de France aux Etats Unis donne une bonne idée de ce que sont ces techniques et de la position des Etats-Unis en la matière. L’Ambassade reprend une étude réalisée entre 2012 et 2015 par la National Academy of Science (NAS) à la demande du Gouvernement américain.
En 2015, la NAS a rendu deux rapports distincts, correspondant à deux approches fondamentalement différentes pour la réduction de l’impact climatique.
- les technologies d’émissions négatives
- Consistent à retirer du carbone de l’atmosphère, soit en l’éliminant, soit en le séquestrant, par des procédés chimiques ou naturels
- les technologies de réduction du rayonnement solaire SRM[2]
- En gros, on envoi des aérosols dans la stratosphère pour limiter l’impact du rayonnement solaire
La NAS écarte pour le moment les SRM mais estime que certaines des techniques d’émissions négatives sont suffisamment matures pour être utilisées à grande échelle. Mais existe-t-il vraiment des techniques « neutres » pour l’environnement ? Notre arrogance technologique ira-t-elle jusqu’à prétendre que l’on peut modifier la Nature à grande échelle sans en subir les conséquences ?
[1] https://www.france-science.org/Face-au-changement-climatique-la.html
[2] En anglais : SRM : Solar Radiation Management